Пока, как следует из письма, Дантес уже принят в доме Пушкиных, что никак не могло произойти без ведома главы дома и чего бы он не допустил, если бы посчитал, что поведение Дантеса выходит за рамки светских приличий. Судя по всему, на рождественской неделе, когда общение в свете менее всего стеснялось установленными нормами, Дантес и оказался принятым в доме поэта. В пользу такого предположения говорит и то, что в предыдущем письме от 20 января речь идёт только о встречах в общественных местах и бальных залах.
XX
Pétersbourg, le 14 Février 1836
Mon cher ami, voilà le carnaval fini et avec lui une partie de mes tourments; vraiment je crois que je suis un peu plus tranquille depuis que je ne la vois plus tous les jours, et puis tout le monde ne peut plus venir lui prendre la main, la taille, danser et causer avec elle comme je le fais moi; et cela encore mieux que moi parce qu'ils ont la conscience plus nette. C'est bête à dire et il se trouve, chose que je n'aurais jamais cru, que c'est de la jalousie, que je me trouvais continuellement dans un état d'irritation qui me rendait si malheureux. Et puis nous avons eu une explication, la dernière fois que l'ai vue, qui a été terrible mais qui m'a fait du bien. Cette femme à laquelle généralement on suppose peu d'esprit, je ne sais pas si l'amour en donne, mais il est impossible de mettre plus de tact, de grâce et d'esprit qu'elle n'en mît dans cette conversation, et elle était difficile à soutenir, car il s'agissait rien de moins que de refuser à un homme qu'elle aime et qui l'adore de violer ses devoirs pour lui: elle m'a dépeint sa position avec tant d'abandons, m'a demandé grâce avec tant de naïveté, que vraiment j'ai été vaincu, et je n'ai pas trouvé un mot pour lui répondre; si tu savais comme elle me consolait, car elle voyait bien que j'étouffais et que ma position était affreuse, et quand elle m'a dit: «Je vous [aime] comme je n'ai jamais aimé, mais ne me demandez jamais plus que mon cœur, car tout le reste ne m'appartient pas et je ne puis être heureuse qu'en respectant tous mes devoirs, plaignez-moi et aimez-moi toujours comme vous le faites maintenant, mon amour sera votre récompense», mais vois-tu, je crois que je lui serais tombé aux pieds pour les lui baiser si j'avais été seul, et je t'assure que depuis ce jour mon amour a encore augmenté pour elle. Mais ce n'est plus la même chose; maintenant, je la vénère, je la respecte comme on vénère et respecte un être auquel toute votre existence est attachée.
Mais pardon, mon bien cher ami, je commence ma lettre par te parler d'elle, mais elle et moi, nous ne faisons qu'un, car t'en parler c'est aussi te parler de moi et tu me reproches dans toutes tes lettres de ne pas assez m'étendre sur mon sujet.
Moi, comme je le disais plus haut, je suis mieux, beaucoup mieux, et je recommence à respirer Dieu merci, car mon supplice était insoutenable: être gai, riant devant le monde, devant les personnes qui me voyaient journellement, tandis que j'avais la mort au cœur, c'est une position affreuse que je ne souhaiterais pas à mon plus cruel ennemi. Cependant on a la récompense après, car pour une phrase telle que celle qu'elle m'a dite, je crois que je te l'enverrais à toi qui es cependant le seul être qui la balance dans mon cœur; car quand ce n'est à elle que je pense, c'est à toi, mais mon bien cher ne sois pas jaloux, et n'abuse pas de ma confidence: toi cela sera toujours, au lieu qu'elle, le temps se chargera de la changer et rien alors me rappellera plus celle que j'aurais tant aimée; au lieu que toi mon bien cher, tous les jours que je vois naître m'attachent plus à toi et me rappellent que sans toi, je [ne] serais rien.
Pétersbourg est vide d'intérêt: au reste, que veux-tu que je te raconte, toi qui es à Paris et qui es à la source de tous les plaisirs et de toutes les émotions, et qui peux t'amuser depuis Polichinelle sur les boulevards jusqu'aux ministres dans la Chambre, depuis le Tribunal de police correctionnel jusqu'au Tribunal des pairs; je t'envie vraiment ton séjour à Paris; cela doit être un moment bien intéressant et nos journaux quelques soins qu'ils y mettent, ne peuvent reproduire que d'une manière incomplète l'éloquence, l'audace de l'assassin de Louis-Philippe.
J'oubliais presque: nous avons eu aussi notre petite scène tragique la semaine dernière qui, tout en ne touchant pas aux sommités sociales, est pourtant une chose remarquable en ce qu'elle dépeint le caractère des auteurs.
Un des circassiens qui est à Pétersbourg se trouve atteint tout à coup d'une fièvre chaude; il profite de l'absence de son domestique pour se mettre en grande tenue et s'arme en guerre. Lorsque son malheureux domestique revint, il se jeta sur lui, le poignarda et le mit en morceaux. Et d'un! Puis arriva un second individu dans sa chambre. Il se précipite aussi sur lui et lui tire un coup de pistolet à bout portant, mais le manque. L'autre, comme tu penses bien, s'enfuit dans sa chambre et se sauve en poussant des cris horribles; aussitôt l'on fit avertir le comte Benkendorff de tout ce qui se passait et on le priait de désigner quelqu'un pour arrêter ce malheureux; mais le comte ne voulut désigner personne, car c'était presque une mort certaine que de vouloir arrêter le furibond, et il se transporta lui même sur les lieux pour opérer l'arrestation; pendant ce temps mon circassien avait eu le temps de tirer un troisième coup de fusil sur son colonel qui venait pour lui faire entendre raison, et avait tué le domestique qui portait le manteau, alors ces messieurs les circassiens perdirent patience et lui firent ouvrir la porte, aussitôt le malheureux se précipita dans la cour et là quatre de ces messieurs lui lâchèrent leur coup de fusil et l'ont tué et braqué comme un chien, et Benkendorff arriva juste à temps pour entendre la détonation. Aussi l'Empereur a été furieux et il les a fait partir tous les quatre pour leur pays, et si là ils continuent à traiter la fièvre chaude avec les mêmes remèdes, je fais mon compliment sincère à ceux de leurs compatriotes qui se trouveront dans ce cas.
Mon cher ami, si je ne t'ai pas encore envoyé le compte courant, ce n'est pas ma faute. Je l'ai demandé je ne sais combien de fois et Klein ne me le donne pas. J'ai été chez lui encore avant-hier et je l'ai prié de me l'envoyer, que tu l'avais demandé déjà pour la troisième fois. Il m'a assuré qu'il était fini et qu'il me l'enverrait pour aujourd'hui, samedi. Il est midi et pas encore de lettre, mais si, en tout cas, il est encore possible de la faire partir plus tard, tu l'auras en même temps que celle-ci.
Le docteur sort de chez moi et il m'a chargé dire qu'il a obtenu la place pour laquelle tu t'es intéressé en sa faveur chez le prince Dolgorouki, et que c'est grâce à ta protection qu'il doit une augmentation de 6000 roubles dans ses revenus.
Adieu mon bon ami, je t'embrasse comme je t'aime et compte les jours pour ton retour à Pétersbourg.
d'Anthès
Петербург, 14 февраля 1836
Мой дорогой друг, вот и карнавал позади, а с ним — толика моих терзаний; право, я, кажется, стал немного спокойней после того как перестал ежедневно видеться с нею; к тому же, теперь к ней не может подойти кто угодно, взять её за руку, обнять за талию, танцевать и беседовать с нею, как это делал я: да у них это получается ещё и лучше, ведь совесть у них чище. Глупо говорить это, но оказывается — никогда бы не поверил — это ревность, и я постоянно пребывал в раздражении, которое делало меня несчастным. Кроме того, в последний раз, что мы с ней виделись[142] у нас состоялось объяснение, было оно ужасным, но пошло мне на пользу. В этой женщине обычно находят мало ума; не знаю, любовь ли даёт его, но невозможно было вести себя с большим тактом, изяществом и умом, чем она при этом разговоре, а его тяжело было вынести, ведь речь шла не более и не менее как о том, чтобы отказать любимому и обожающему её человеку, умолявшему пренебречь ради него своим долгом: она описала мне своё положение с такой доверчивостью, просила пощадить её с такою наивностью, что я воистину был сражён и не нашёл слов в ответ; знал бы ты, как она утешала меня, видя, что у меня стеснило дыхание и я в ужасном состоянии, и как она сказала: "Я люблю вас, как никогда не любила, но не просите большего, чем моё сердце, ибо всё остальное мне не принадлежит, а я могу быть счастлива, только исполняя все свои обязательства, пощадите же меня и любите всегда так, как теперь, моя любовь будет вам наградой" — представь себе, будь мы одни, я определённо пал бы к её ногам и осыпал их поцелуями, и, уверяю тебя, с этого дня моя любовь к ней стала ещё сильнее. Только теперь она сделалась иной: теперь я её боготворю и почитаю, как боготворят и чтят тех, к кому привязаны всем существом.
Прости, мой драгоценный друг, что начинаю письмо с рассказа о ней, но ведь мы с нею — одно, и говорить с тобою о ней — значит, говорить и о себе, а ты во всех письмах попрекаешь, что я мало о себе рассказываю.
Как я уже писал выше, мне лучше, много лучше, и, слава Богу, я начинаю дышать, ведь муки мои были непереносимы: смеяться, выглядеть весёлым в глазах света, в глазах всех, с кем встречаешься ежедневно, тогда как в душе смерть, ужасное положение, которого я не пожелал бы и злейшему врагу[143]. Всё же потом бываешь вознаграждён — пусть даже одной той фразой, что она произнесла; кажется, я написал её тебе — а ты единственный, кто равен ей в моём сердце: когда я думаю не о ней, то думаю о тебе; однако не ревнуй, мой драгоценный, и не злоупотреби моим доверием: ты останешься навсегда, что же до неё, время произведёт своё действие и изменит её, и ничто не будет напоминать мне ту, кого я так любил, тогда как к тебе, мой драгоценный, каждый новый день привязывает меня всё крепче, напоминая, что без тебя я был бы ничто.