lement puissant, qui s’épanouissait, s’élargissait en nappe à leurs pieds, à la pointe de l’île. Les deux ponts qui la coupaient, le pont de Bercy et le pont d’Austerlitz, semblaient des arrêts nécessaires, chargés de la contenir, de l’empêcher de monter jusque dans la chambre.(…)
(…) Paris s’abîmait alors dans un nuage de plâtre. Les temps prédits par Saccard, sur les buttes Montmartre, étaient venus. On taillait la cité à coups de sabre, et il était de toutes les entailles, de toutes les blessures. Il avait des décombres à lui aux quatre coins de la ville. Rue de Rome, il fut mêlé à une étonnante histoire du trou qu’une compagnie creusa, pour transporter cinq ou six mille mètres cubes de terre et faire croire à des travaux gigantesques, et qu’on dut ensuite reboucher, en rapportant la terre de Saint-Ouen, lorsque la compagnie eut fait faillite. Lui s’en tira la conscience nette, les poches pleines, grâce à son frère Eugène, qui voulut bien intervenir. À Chaillot, il aida à éventrer la butte, à la jeter dans un bas-fond, pour faire passer le boulevard qui va de l’Arc de Triomphe au pont de l’Alma. Du côté de Passy, ce fut lui qui eut l’idée de semer les déblais du Trocadéro sur le plateau, de sorte que la bonne terre se trouve aujourd’hui à deux mètres de profondeur, et que l’herbe elle-même refuse de pousser dans ces gravats. On l’aurait retrouvé sur vingt points à la fois, à tous les endroits où il y avait quelque obstacle insurmontable, un déblai dont on ne savait que faire, un remblai qu’on ne pouvait exécuter, un bon amas de terre et de plâtras où s’impatientait la hâte fébrile des ingénieurs, que lui fouillait de ses ongles, et dans lequel il finissait toujours par trouver quelque pot-de-vin ou quelque opération de sa façon. Le même jour, il courait des travaux de l’Arc de Triomphe à ceux du boulevard Saint-Michel, des déblais du boulevard Malesherbes aux remblais de Chaillot, traînant avec lui une armée d’ouvriers, d’huissiers, d’actionnaires, de dupes et de fripons.(…) »
Haussmann – Жорж Эжен Осман, или барон Осман (1809–1891), французский государственный деятель, сенатор и префект департамента Сена в годы Второй империи (1853–1870). Известен в первую очередь как градостроитель, предопределивший облик современного Парижа, осуществив задуманную Наполеоном III реновацию столицы.
Emile Zola – Эмиль Золя (1840–1902), французский писатель (основоположник натурализма во французской литературе), публицист, политический деятель. Занимал активную гражданскую позицию, широко известна его статья «Я обвиняю» (J’accuse) в поддержку Дрейфуса, французского офицера, еврея по национальности, обвиненного в шпионаже и приговоренного к пожизненному сроку.
La Curée – «Добыча», роман Золя, входящий в знаменитый 20-томный цикл «Ругон-Маккары» (Les Rougont-Macquart), в котором автор описал французское общество времен Второй империи.
la Commune en 1871 – имеется в виду Парижская коммуна 1871 г.
Aristide Saccard – Аристид Саккар, или Аристид Ругон по прозвищу Сак-кар, один из главных героев романа Золя «Добыча» и цикла «Ругон-Маккары».
Angèle – Анжела Сикардо, жена Аристида Саккара.
boulevard m Malesherbes – бульвар, названный в честь Кретьена Гийома де Ламуаньон де Мальзерба (1721–1794), французского государственного деятеля, известного тем, что защищал на суде Людовика XVI в качестве одного из его адвокатов. Являясь генеральным королевским цензором при Людовике XVI, поддержал публикацию Энциклопедии Дидро и Даламбера. Был гильотинирован во время Террора. Прадед Алексиса де Токвиля.
quai m de Béthune – набережная Бетюн названа в честь Максимильена де Бетюн, более известного как герцог де Сюлли (1560–1641), главного министра короля Генриха IV.
pont m de Constantine – мост Константин, на месте которого в настоящее время находится построенный в 1874–1876 гг. мост Сюлли (le pont de Sully).
la Halle aux vins – старый винный рынок в Париже, располагавшийся в V округе рядом с Ботаническим садом. Существовал с XVII по XX век.
quai m de la Rapée – набережная Рапе названа в честь господина де ля Рапе, бывшего главным комиссаром войск и арендатором фьефа де ля Рапе, построившего на дороге, идущей вдоль Сены, особняк ля Рапе.
17La guerre de 1870–1871. L’alsace devient allemande
1870, la Prusse défait les armées françaises. L’Empire allemand est proclamé à Versailles selon la volonté de Bismarck. Au traité de paix de Francfort, la France est amputée de territoires réputés germanophones: l’Alsace et la Lorraine mosellane. Cette annexion est vécue comme une humiliation irréparable par la France qui ne renoncera pas au retour des provinces perdues. C’est sur cette perte que naîtra un sentiment national exacerbé. La littérature s’en fait l’écho jusqu’à la guerre de 1914: la « Revanche » est dans tous les esprits.
« Ce matin-là, j’étais très en retard pour aller à l’école, et j’avais grand-peur d’être grondé, d’autant que M. Hamel nous avait dit qu’il nous interrogerait sur les participes, et je n’en savais pas le premier mot. Un moment l’idée me vint de manquer la classe et de prendre ma course à travers champs.
Le temps était si chaud, si clair !
On entendait les merles siffler à la lisière du bois, et dans le pré Rippert, derrière la scierie, les Prussiens qui faisaient l’exercice. Tout cela me tentait bien plus que la règle des participes; mais j’eus la force de résister, et je courus bien vite vers l’école.
En passant devant la mairie, je vis qu’il y avait du monde arrêté près du petit grillage aux affiches. Depuis deux ans, c’est de là que nous sont venues toutes les mauvaises nouvelles, les batailles perdues, les réquisitions, les ordres de la commandature; et je pensai sans m’arrêter:
« Qu’est-ce qu’il y a encore ? »
Alors, comme je traversais la place en courant, le forgeron Wachter, qui était là avec son apprenti en train de lire l’affiche, me cria:
« Ne te dépêche pas tant, petit; tu y arriveras toujours assez tôt à ton école ! »
Je crus qu’il se moquait de moi, et j’entrai tout essoufflé dans la petite cour de M. Hamel.
D’ordinaire, au commencement de la classe, il se faisait un grand tapage qu’on entendait jusque dans la rue: les pupitres ouverts, fermés, les leçons qu’on répétait très haut tous ensemble en se bouchant les oreilles pour mieux apprendre, et la grosse règle du maître qui tapait sur les tables:
« Un peu de silence ! »
Je comptais sur tout ce train pour gagner mon banc sans être vu; mais, justement, ce jour-là, tout était tranquille, comme un matin de dimanche. Par la fenêtre ouverte, je voyais mes camarades déjà rangés à leurs places, et M. Hamel, qui passait et repassait avec la terrible règle en fer sous le bras. Il fallut ouvrir la porte et entrer au milieu de ce grand calme. Vous pensez, si j’étais rouge et si j’avais peur !
Eh bien ! non. M Hamel me regarda sans colère et me dit très doucement:
« Va vite à ta place, mon petit Franz; nous allions commencer sans toi. »
J’enjambai le banc et je m’assis tout de suite à mon pupitre. Alors seulement, un peu remis de ma frayeur, je remarquai que notre maître avait sa belle redingote verte, son jabot plissé fin et la calotte de soie noire brodée qu’il ne mettait que les jours d’inspection ou de distribution de prix. Du reste, toute la classe avait quelque chose d’extraordinaire et de solennel. Mais ce qui me surprit le plus, ce fut de voir au fond de la salle, sur les bancs qui restaient vides d’habitude, des gens du village assis et silencieux comme nous: le vieux Hauser avec son tricorne, l’ancien maire, l’ancien facteur, et puis d’autres personnes encore. Tout ce monde-là paraissait triste; et Hauser avait apporté un vieil abécédaire mangé aux bords qu’il tenait grand ouvert sur ses genoux, avec ses grosses lunettes posées en travers des pages.
Pendant que je m’étonnais de tout cela, M. Hamel était monté dans sa chaire, et de la même voix douce et grave dont il m’avait reçu, il nous dit:
« Mes enfants, c’est la dernière fois que je vous fais la classe. L’ordre est venu de Berlin de ne plus enseigner que l’allemand dans les écoles de l’Alsace et de la Lorraine… Le nouveau maître arrive demain. Aujourd’hui, c’est votre dernière leçon de français. Je vous prie d’être bien attentifs. »
Ces quelques paroles me bouleversèrent. Ah ! les misérables, voilà ce qu’ils avaient affiché à la mairie.
Ma dernière leçon de français !… »
Alphonse Daudet – Альфонс Доде (1840–1897), французский писатель и драматург, известный благодаря созданному им литературному персонажу Тартарену из Тараскона.
18Les débuts de la Commune
Le 4 septembre 1870, à l’annonce de la capitulation des armées françaises à Sedan et de la captivité de l’Empereur, des Républicains proclament à Paris la déchéance de l’Empire. La guerre se poursuit. Paris est assiégé par les armées prussiennes. Un gouvernement provisoire s’installe à Bordeaux, des élections législatives sont organisées et la paix conclue. A Paris, la situation est devenue insurrectionnelle. Le 18 mars 1871, une nouvelle municipalité révolutionnaire proclame la Commune et la sécession avec le gouvernement et l’Assemblée qui s’installent à Versailles. Maxime Du Camp est un journaliste, un écrivain qui, comme beaucoup de ses confrères (Gustave Flaubert, George Sand, etc.), est hostile aux « Communards ». Il rapporte, dans ses Convulsions de Paris, une histoire de la Commune.
« La France et Paris avaient été si longtemps séparés que, lorsqu’ils se retrouvèrent, ils ne se reconnurent plus. Paris ne pardonnait pas à la province de n’être pas venue le délivrer; la province ne pardonnait pas à Paris ses révolutions et l’état de surexcitation où il paraissait se complaire. Pendant que la province, épuisée par l’ennemi, aspirait à un repos qui lui permettrait de panser ses blessures, Paris, comme une sorte de Cirque Olympique, retentissait plus que jamais du bruit des armes et des appels belliqueux. Aussi, dès que l’Assemblée nationale, élue « dans un jour de malheur », fut réunie à Bordeaux, l’antagonisme éclata; Paris fut plein de défiance pour l’Assemblée, qui le lui rendait bien. L’opinion du Paris révolutionnaire fut exprimée, à la première séance parlementaire, lorsque Gaston Crémieux s’écria: « Assemblée de ruraux, honte de la France ! » Paris, fier de son titre de capitale, de ses gloires, de son renom, de sa richesse, a toujours eu la prétention de diriger les destinées de la France; il se considère comme souverain et se trouve déchu lorsqu’il ne peut exercer la souveraineté. L’Assemblée, libre expression de la volonté nationale, représentait légalement l’autorité et n’était point disposée à partager celle-ci avec la ville usurpatrice. On pouvait être certain d’avance que la majorité parlementaire ne tiendrait aucun compte de l’état morbide de Paris; qu’elle voudrait être obéie, comme c’était son droit; qu’elle frapperait fort, sans trop s’inquiéter de frapper juste, et qu’elle ne reculerait pas devant telles mesures qui pourraient amener un conf