icier d’artillerie, Alfred Dreyfus, Alsacien de confession israélite. Condamné par un tribunal militaire, il est envoyé au bagne en Guyane. Une campagne de presse menée par sa famille, convaincue de son innocence, rend possible une révision et un second procès. Condamné une seconde fois, il est finalement gracié par le président de la République, puis réhabilité. Deux camps se sont opposés, l’un proclamant que la justice militaire est infaillible et que l’on ne peut fragiliser l’Armée française au moment où les tensions avec l’Allemagne se font plus vives; l’autre considérant que la raison d’Etat ne peux justifier une injustice. Emile Zola écrit un article en ce sens, resté fameux par son titre « J’accuse », titre qui est de la plume de Georges Clemenceau, rédacteur en chef de l’Aurore qui publie l’article.
« Sans nouvelles m’indiquant que vous désirez me voir, je vous adresse cependant, Monsieur, quelques renseignements intéressants.
1° une note sur le frein hydraulique de 120 et la manière dont s’est conduite cette pièce
2° une note sur les troupes de couvertures (Les modifications seront apportées par le nouveau plan)
3° une note sur une modification aux formations de l’artillerie
4° une note relative à Madagascar
5° le projet de manuel de tir de l’artillerie de campagne (14 mars 1894)
Ce dernier document est extrêmement difficile à se procurer et je ne puis l’avoir à ma disposition que très peu de jours. Le ministère de la Guerre en a envoyé un nombre fixé dans les corps et les corps en sont responsables. Chaque officier détenteur doit remettre le sien après la manœuvre. Si donc vous voulez y prendre ce qui vous intéresse et le tenir à ma disposition après, je le prendrai. À moins que vous ne vouliez que je ne le fasse copier in extenso et ne vous en adresse la copie.
Je vais partir en manœuvre. »
« LETTRE À FÉLIX FAURE, PRÉSIDENT DE LA REPUBLIQUE,
Monsieur le Président,
Me permettez-vous, dans ma gratitude pour le bienveillant accueil que vous m’avez fait un jour, d’avoir le souci de votre juste gloire et de vous dire que votre étoile, si heureuse jusqu’ici, est menacée de la plus honteuse, de la plus ineffaçable des taches ?
Vous êtes sorti sain et sauf des basses calomnies, vous avez conquis les cœurs. Vous apparaissez rayonnant dans l’apothéose de cette fête patriotique que l’alliance russe a été pour la France, et vous vous préparez à présider au solennel triomphe de notre Exposition universelle, qui couronnera notre grand siècle de travail, de vérité et de liberté.
Mais quelle tache de boue sur votre nom – j’allais dire sur votre règne – que cette abominable affaire Dreyfus ! Un conseil de guerre vient, par ordre, d’oser acquitter un Esterhazy, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice. Et c’est fini, la France a sur la joue cette souillure, l’histoire écrira que c’est sous votre présidence qu’un tel crime social a pu être commis.
Puisqu’ils ont osé, j’oserai aussi, moi. La vérité, je la dirai, car j’ai promis de la dire, si la justice, régulièrement saisie, ne la faisait pas, pleine et entière. Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. Mes nuits seraient hantées par le spectre de l’innocent qui expie là-bas, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu’il n’a pas commis.
(…)
Et c’est un crime encore que de s’être appuyé sur la presse immonde, que de s’être laissé défendre par toute la fripouille de Paris, de sorte que voilà la fripouille qui triomphe insolemment, dans la défaite du droit et de la simple probité. C’est un crime d’avoir accusé de troubler la France ceux qui la veulent généreuse, à la tête des nations libres et justes, lorsqu’on ourdit soimême l’impudent complot d’imposer l’erreur, devant le monde entier. C’est un crime d’égarer l’opinion, d’utiliser pour une besogne de mort cette opinion qu’on a pervertie jusqu’à la faire délirer. C’est un crime d’empoisonner les petits et les humbles, d’exaspérer les passions de réaction et d’intolérance, en s’abritant derrière l’odieux antisémitisme, dont la grande France libérale des droits de l’homme mourra, si elle n’en est pas guérie. C’est un crime que d’exploiter le patriotisme pour des œuvres de haine, et c’est un crime enfin que de faire du sabre le dieu moderne, lorsque toute la science humaine est au travail pour l’œuvre prochaine de vérité et de justice.
(…)
J’accuse le général de Boisdeffre et le général Gonse de s’être rendus complices du même crime, l’un sans doute par passion cléricale, l’autre peutêtre par cet esprit de corps qui fait des bureaux de la guerre l’arche sainte, inattaquable.
J’accuse le général de Pellieux et le commandant Ravary d’avoir fait une enquête scélérate, j’entends par là une enquête de la plus monstrueuse partialité, dont nous avons, dans le rapport du second, un impérissable monument de naïve audace.
J’accuse les trois experts en écritures, les sieurs Belhomme, Varinard et Couard, d’avoir fait des rapports mensongers et frauduleux, à moins qu’un examen médical ne les déclare atteints d’une maladie de la vue et du jugement.
J’accuse les bureaux de la guerre d’avoir mené dans la presse, particulièrement dans l’Éclair et dans L’Echo de Paris, une campagne abominable, pour égarer l’opinion et couvrir leur faute.
J’accuse enfin le premier conseil de guerre d’avoir violé le droit, en condamnant un accusé sur une pièce restée secrète, et j’accuse le second conseil de guerre d’avoir couvert cette illégalité, par ordre, en commettant à son tour le crime juridique d’acquitter sciemment un coupable.
En portant ces accusations, je n’ignore pas que je me mets sous le coup des articles 30 et 31 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, qui punit les délits de diffamation. Et c’est volontairement que je m’expose.
Quant aux gens que j’accuse, je ne les connais pas, je ne les ai jamais vus, je n’ai contre eux ni rancune ni haine. Ils ne sont pour moi que des entités, des esprits de malfaisance sociale. Et l’acte que j’accomplis ici n’est qu’un moyen révolutionnaire pour hâter l’explosion de la vérité et de la justice.
Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière, au nom de l’humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n’est que le cri de mon âme. Qu’on ose donc me traduire en cour d’assises et que l’enquête ait lieu au grand jour ! J’attends.
Veuillez agréer, monsieur le Président, l’assurance de mon profond respect,
Emile Zola »
Emile Zola – Эмиль Золя (1840–1902), писатель, публицист и политический деятель. Один из самых значительных представителей реализма второй половины XIX в. Лидер так называемого натуралистического движения в литературе. Известен прежде всего масштабным 20-томным циклом «Ругон-Маккары», в котором описал все слои французского общества времен Второй империи. Сыграл значимую роль в «Деле Дрейфуса», из-за чего был вынужден эмигрировать в Англию.
L’Aurore – французская ежедневная газета, выходившая с 1897 по 1914 гг. Знаменита публикацией в январе 1898 г. статьи Эмиля Золя «Я обвиняю». В редакции этой газеты работал Жорж Клемансо (Georges Clemenceau).
Félix Faure – Феликс Фор (1841–1899), политический деятель, президент Французской республики в 1895–1899 гг.
Boisdeffre – Рауль ле Мутон де Буадеффр (1839–1919), военный деятель, начальник Генерального штаба в 1894–1898 гг. В 1897 г. был противником пересмотра дела Дрейфуса, способствовал оправданию майора Эстерхази, фактического виновника преступления, за которое был осужден Дрейфус. После того, как были раскрыты подлоги по делу Дрейфуса, вышел в отставку.
Gonse – Шарль-Артур Гонз (1838–1917), военный деятель, заместитель начальника Генерального штаба в 1894–1898 гг., непосредственный подчиненный генерала Буадеффра. Был активно вовлечен в дело Дрейфуса.
Pellieux – Жорж Габриэль де Пельё (1842–1900). военный деятель, в 1897– 1898 гг. командующий войсками департамента Сена. В 1897 г. по поручению вышестоящего военного руководства провел расследование, по результатам которого сделал вывод о невиновности майора Эстерхази.
Ravary – Александр-Альфред Равари, майор французской армии, в 1897 г. участвовал в расследовании причастности майора Эстерхази к обстоятельствам дела Дрейфуса; сделал вывод о невиновности Эстерхази.
Belhomme, Varinard et Couard – Белом, Варинар и Куар, эксперты-графологи, в 1897 г. сделавшие вывод о том, что Эстерхази был непричастен к составлению «бордеро».
L’Éclair, L’Echo de Paris – французские ежедневные газеты, стоявшие на позициях антидрейфусаров.
26Les moyens de la Réforme sociale vus par un officier
L’allongement du service militaire obligatoire permet de repenser le rôle de l’officier. Hubert Lyautey, officier de 37 ans, ayant servi en Afrique du Nord, signe une proposition hardie qui lui vaut des réprimandes de ses supérieurs. En attribuant à l’officier un rôle d’éducateur et de pacificateur social il emprunte à son expérience coloniale la volonté conciliatrice qui sera la marque du futur gouverneur du Maroc. Ce texte eut une grande influence à la fois sur la pensée militaire mais également sur l’idée de la nécessité d’une pédagogie sociale complémentaire de l’instruction classique, apportée par une élite désintéressée mais consciente des enjeux politiques et sociaux. En ce sens, Lyautey s’inscrit dans la lignée de la réflexion du sociologue Frédéric Le Play sur la nécessité d’assurer une réforme sociale sans bouleverser l’ordre de la société.