Франция с 1789 года до наших дней. Сборник документов (составитель Паскаль Коши). La France contemporaine, de 1789 a nos jours. Recueil de documents (par Pascal Cauchy) — страница 32 из 35

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Maurice PAPON »

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les élections législatives de juin – по итогам парламентских выборов, состоявшихся 23 и 30 июня 1968 г., голлистская партия «Union pour la défense de la République» («Союз в защиту республики») получила 294 из 485 мест в парламенте, то есть почти 61%. А с учетом партнеров по большинству этот показатель был еще выше – 367 мест (почти 76%).

le referendum sur le projet de réforme des institutions – референдум состоялся 27 апреля 1969 г. С его помощью предполагалось узнать мнение населения о законопроекте, который насчитывал 68 статей и касался преобразований в сфере административно-территориального деления страны (вместо 95 департаментов предполагалось создать 22 «региона»), а также реформы второй палаты парламента – Сената, который предлагалось лишить законодательных функций и превратить в некий совещательный орган. В бюллетень для голосования был внесен всего один вопрос: «Одобряете ли Вы законопроект, представленный французскому народу Президентом Республики относительно создания регионов и обновления Сената?»

le «Non» – «Нет» на референдуме ответили 12 008 102 французов (52,41% от принявших участие в голосовании, или 40,85% зарегистрированных избирателей), «Да» – 10 901 753 (соответственно 47,58% и 37,09%).

le président du Sénat, candidat du centre droit – председателя Сената Франции Алена Поэра, формально «независимого» кандидата, поддерживали некоторые центристские группировки, которые ранее призывали французов голосовать «Нет» на референдуме 1969 г.

Maurice Papon – Морис Папон (1910–2007), французский политический деятель, член голлистской партии, ее казначей с 1968 по 1971 гг.

501972. L’affaire de Bruay-en-Artois

En 1972, l’affaire de Bruay-en-Artois a divisé la France. Un notable un notaire est accusé du meurtre d’une fille « d’un ouvrier mineur ». Dans un contexte économique et social tendu, militants « maoïstes » et journalistes s’emparent de l’affaire. Passions sociales, imbroglio juridique, enquête à rebondissement, le crime de Bruay-en-Artois va devenir l’une des plus grandes affaires criminelles de l’après-guerre. Elle révèle aussi les grandes mutations que subit la société française dans ces années 1970 entre prospérité et signes avant-coureurs de la crise.


« Le jeudi 6 avril 1972, à Bruay-en-Artois, une cité minière du Pas-de-Calais, des enfants retrouvent le corps de Brigitte Dewèvre, une jeune fille de 15 ans, fille de mineur. Elle a été étranglée et frappée à la tête avec un objet tranchant. Très vite, les policiers reconstituent l’emploi du temps de la victime. La veille, peu avant 20 heures, elle a quitté son domicile rue de la Comté, pour se rendre chez sa grand-mère. Depuis, elle a disparu entre la rue de la Comté et la rue de Ranchicourt. Les enquêteurs s’intéressent rapidement à Maître Leroy, notaire à Bruay, dont le véhicule, une Peugeot 504 blanche, était garé ce soirlà, à proximité du lieu de la disparition. L’homme a 37 ans, sa corpulence et une calvitie lui donnent la cinquantaine. Il vit chez sa mère dans une localité voisine. Si les policiers concentrent leur attention sur le notaire, c’est que celui-ci ne peut donner des explications convaincantes sur sa présence, le soir du crime, rue de Ranchicourt, à deux pas du terrain vague. En réalité, l’homme, célibataire, a rendu visite à Monique Mayeur, une femme mariée en instance de séparation. Fille d’un grand marchand de meubles de la ville, elle habite une villa que sépare une maigre haie du terrain vague. Par discrétion, Leroy tente d’éluder les questions des policiers, il se contredit. Interrogée, Monique Mayeur donne de la soirée du 5 avril une version qui diffère dans des détails de celle de Pierre Leroy. Bientôt, de témoin il devient suspect. Le juge d’instruction de Béthune, Henri Pascal, qui était de permanence, place le notaire en garde à vue. L’affaire de Bruayen-Artois vient de commencer.

Quatre mois durant, ce qui n’est qu’un fait divers tragique, tient quotidiennement la France en haleine. Avec ses nombreux rebondissements, elle devient une des affaires les plus médiatisées du siècle. Ce qui retient l’attention du public, et celle des journalistes, ce n’est pas seulement l’énigme d’un crime sordide, c’est tout un décor et des personnages dans lesquels la société française de l’époque se reconnaît et s’identifie. Un notable meurtrier d’une fille de mineur. Il n’en faut pas plus pour trouver, dans un paysage digne de Germinal, le type même du « crime de classe ». Le juge Pascal (…) alimente volontiers la thèse sociale en laissant entendre que Leroy bénéficie de solidarités locales susceptibles de nuire à l’enquête. Très vite la population se divise. D’un côté, il y a ceux que croient Leroy coupable parce que notaire, de l’autre ceux qui évoquent l’acharnement d’un « petit juge » (l’expression naît pour l’occasion) supposé gauchiste. En réalité, le juge Pascal n’est pas un militant, sa cause est celle d’une justice transparente, une instruction faite sur la place publique. C’est un idéaliste. Avec sa faconde méridionale, ce juge d’origine provençale plaît aux journalistes, heureux de trouver un magistrat si bavard, même si sur le fond, il ne dit rien. Pascal est persuadé de la culpabilité de Leroy, les déclarations embarrassées du notaire n’ont pas convaincu, celle de Monique Mayeur non plus.

Entre-temps, c’est un déferlement de journalistes sur Bruay et sa région. La ville est transformée en une véritable « étape du Tour de France ». Les journalistes aussi sont divisés entre les partisans de Leroy et ceux qui sont persuadés de sa culpabilité. Certains s’immiscent dans l’affaire jusqu’à prendre domicile dans les corons, interroger les témoins et le voisinage. Ils refont l’enquête. Sur les ondes, les chroniqueurs judiciaires sont à leur affaire. Sur les deux, et bientôt trois, chaînes de télévision, le crime de Bruay est traité en abondance; 61 fois en trois mois sur la première chaîne, un record pour un tel sujet. A l’omniprésence de la radio et de la télévision s’ajoute l’abondance de la presse écrite. Quotidiens et hebdomadaires atteignent les tirages les plus élevés depuis la Libération. L’affaire de Bruay fait vendre; elle est devenue un feuilleton national avec ses rebondissements et ses moments de crispation.

Cette passion pour l’affaire de Bruay-en-Artois, s’explique de plusieurs manières. Outre le fait divers qui s’éternise, au risque d’ailleurs de lasser, l’hypothèse du notaire coupable renvoie l’image de la lutte des classes, encore bien présente dans la société française de 1972. Certes, la mine est sur son déclin. Le voyage du Premier ministre Chaban-Delmas en mars dernier n’avait rien pour rassurer; la promesse d’une reconversion industrielle du Nord signe l’acte de décès des bassins houillers, avec leur aristocratie ouvrière: les mineurs. Ce sont encore des mots qui parlent à l’époque, malgré les métamorphoses des « Trente glorieuses » et la poussée d’une société de consommation qui n’ont pas effacé les traces des distinctions sociales. A sa manière, le terrain vague qui sépare la villa Mayeur, qui n’a pourtant rien d’ostentatoire, des maisons de briques du coron, symbolise à la fois bien des frustrations mais aussi le déclin de cette société de la mine et de toute sa culture. Bruay, une ville champignon du XIXe siècle qui a dépassé les 30 000 habitants avant la Seconde guerre mondiale, se dépeuple. Les jeunes partent vers la région parisienne, vers les nouvelles usines de Douai ou le port de Dunkerque. Le cycle des générations de mineurs est interrompu. Alors la mort de la petite Brigitte, c’est un peu celle annoncée d’une civilisation.

Mais c’est parce que le mineur, en cette fin de cycle, reste l’emblème d’une classe ouvrière encore bien présente dans la France de Georges Pompidou, que l’affaire de Bruay prend une coloration politique.

A quatre ans de Mai 68, le souffle de la contestation n’est pas totalement retombé. Toute une nébuleuse de groupes gauchistes tente de maintenir la flamme de la révolution. A vrai dire, le mouvement s’est émoussé. Les étudiants contestataires ne sont pas parvenus à rallier le monde des ouvriers et des employés sur lequel veillent jalousement un Parti communiste encore puissant et son bras armé, la CGT. La gauche non communiste, elle, est en pleine recomposition. Toutefois, chaque soubresaut de la société est l’occasion pour ces groupes qui se réclament de Trotsky, de Lénine ou de Mao, de démonstrations politiques. En ce début des années 1970, c’est le mouvement maoïste de la Gauche prolétarienne, la « GP », qui semble le plus apte à incarner « la cause du peuple ». La Cause du Peuple est même son organe de presse, fondé en 1968 par un étudiant en architecture, Roland Castro. Les « maos » croient en la révolte généralisée, spontanée, créatrice, qui doit submerger le pays. Il faut l’aiguillonner par des militants décidés, rompus à l’action clandestine et qui ne reculent pas devant la violence. Ils bénéficient du soutien des intellectuels comme Sartre ou Michel Foucault. Ils sont aussi présents dans les usines, « à l’établi », pour être au contact des ouvriers. La mort tragique en février 1972 d’un des leurs, Pierre Overney, devant les usines Renault à Billancourt procure un martyr à la GP et un élan de sympathie, mais montre aussi les limites du mouvement: les ouvriers n’ont pas bougé. Dans le Nord, les « maos » sont dans les usines de Valenciennes, sur les chantiers de Dunkerque, où ont lieu des sabotages. En 1972, c’est Serge July qui est le responsable régional de la GP. A Bruay, le maillage est modeste mais efficace. Un jeune professeur de philosophie, François Ewald, et son épouse relaient la propagande; un ancien mineur, Joseph Tournel, assure le lien avec la base ouvrière. Le meurtre de Brigitte Dewèvre et l’inculpation de Pierre Leroy ne devaient pas laisser indifférent la petite cellule révolutionnaire. Très vite, ils occupent le terrain, suscitent des rassemblements, font circuler des pétitions et récoltent « la parole de la colère ouvrière ». Ils apportent un soutien, un peu encombrant, au juge Pascal. Ils dénoncent « la justice de classe » et promeuvent la justice « populaire », comme deux ans auparavant, à Lens, où un tribunal improvisé par la GP avait jugé symboliquement la compagnie des Houillères, rendue responsable d’une explosion dans la mine en février 1970, tuant 16 ouvriers.