12Dom Prosper Guéranger, la réforme liturgique
Le Romantisme puise ses sources dans l’histoire, le culte des origines. Le Catholicisme ne fait pas l’économie de ce mouvement. Inspiré par Lamennais et cherchant à se détacher des formes convenues du culte, le bénédictin Dom Guéranger réforme la liturgie selon un principe de retour aux sources, ce qui suppose se détacher des pratiques locales françaises pour se tourner vers un modèle romain, plus universel. On retrouve ici les traces des polémiques entre ultramontains et gallicans.
« On sent aisément que de tout cet ensemble de confession, de prière et de louange, qui constitue la Liturgie, doit résulter la matière d’une science véritable; science des Offices divins, c’est-à-dire de cette partie de la Liturgie qui consiste dans le sacrifice des lèvres (Hebr., XIII, 15); science du sacrifice réel avec tous ses rites et ses mystères; science des sacrements, organes de la sanctification de l’homme; science des bénédictions et des sacramentaux au moyen desquels toute créature est purifiée et réhabilitée par la vertu de la croix; science enfin des supplications et autres rites solennels que l’Église emploie dans des occasions extraordinaires.
Mais si déjà cette simple énumération des forces et des moyens de la Religion nous place en regard d’un si vaste et si radieux ensemble, que serace quand, poursuivant, à travers la tradition, dans les écrits des Pères, dans les ordonnances des conciles, dans les monuments de l’antiquité ecclésiastique, ces diverses formes du culte divin, nous sommes conduits à interroger tous les siècles et à enregistrer leurs réponses si belles d’unité et si fécondes en tout genre d’inspiration ? Telle est cependant la science liturgique telle qu’elle a été conçue, explorée, enseignée par tant de grands docteurs, dont les noms glorieux et les services immenses seront racontés plus loin.
Tous, sans doute, ne sont pas appelés à suivre dans la science liturgique une carrière d’égale étendue, mais on peut affirmer, sans crainte d’être démenti, que, pour ne parler que des personnes ecclésiastiques, elle doit faire pour elles l’objet d’une étude non moins spéciale que la casuistique à laquelle, dans l’état présent, l’usage est en France de consacrer à peu près la moitié du temps assigné à l’éducation cléricale. La récitation et souvent même la célébration des divins Offices ne forment-elles pas l’occupation journalière du Prêtre ? Quel plus grand intérêt pour lui que de pouvoir suivre la chaîne de merveilles qui se déroule dans la succession des fêtes et des temps de l’année chrétienne, de pouvoir briser les sceaux de ce livre journalier que l’Église d’aujourd’hui a reçu de l’Église des premiers siècles avec une tradition de mystères cachés et de chants admirables ? Le Prêtre monte chaque jour à l’autel pour y sacrifier l’Agneau immolé depuis le commencement du monde (Apoc, XIII, 8); où comprendra-t-il mieux la sainteté, la grandeur de cette action, comme on l’appelait autrefois, où apprendra-t-il mieux la pureté de cœur qu’elle exige, qu’en étudiant la manière dont elle s’est exercée depuis la veille du jour où le Christ souffrit, jusqu’à ces temps plus rapprochés de nous où l’Église, mue par l’Esprit-Saint, a fixé d’une manière irrévocable les rites, de la religion desquels elle a voulu environner le plus auguste des mystères ? Et les sacrements, sources divines du salut, et les sacramentaux par lesquels l’Église épanche sur le peuple fidèle la plénitude de sanctification qui est en elle; si tant de doctes écrits ont été composés par les plus pieux et les plus savants hommes de l’Église, à l’effet d’en expliquer les rites, d’en éclaircir les formules, d’en développer toute la majesté, comment le Prêtre, ministre de toute cette dispensation à la fois miséricordieuse et sublime, ne se livrerait-il pas à la recherche de cette perle d’un prix infini ? S’il lui a été dit d’imiter ce qu’il a entre les mains, imitamini quod tractatis (Pontificale Rom., in ordinatione Presbyteri), ne lui a-t-il pas été dit par là même de l’étudier et de le connaître ?
Oh ! qui pourrait dire les grâces de salut qui se répandraient sur le peuple chrétien, comme effet direct d’un enseignement basé sur l’explication et la compréhension des mystères, des paroles et des rites de la Liturgie, si nos peuples savaient et goûtaient ce que savaient et goûtaient les simples catéchumènes des Églises de Milan, d’Hippone ou de Jérusalem, initiés par un Ambroise, un Augustin, un Cyrille ! Et plus tard nos nouvelles Églises d’Occident, quelles lumières ne tiraient-elles pas de l’enseignement liturgique d’un Rhaban Maur, d’un Ives de Chartres, d’un Honorius d’Autun, d’un Hildebert du Mans et de Tours, d’un Durand de Mende, etc. ! Quelle influence sur les mœurs catholiques ! quel boulevard de la foi ! quelle disposition à sentir les choses de la vie surnaturelle dans ces populations instruites avec soin et détail des secrets que le Christ et son Église ont cachés sous le vaste et profond emblème de la Liturgie ! On le sent tous les jours dans ces contrées de l’Amérique du Nord, dans lesquelles la vraie Église ne possède pour ainsi dire pour fidèles que ces âmes que, sous la conduite du divin Esprit, elle va glanant et recueillant dans les sueurs et les fatigues. Les lettres des missionnaires ne cessent de parler du grand succès qu’ils obtiennent en développant à leurs auditeurs le merveilleux symbolisme de la Liturgie catholique. Assez heureux pour la posséder en entier et pure de tout alliage national, telle en un mot que le Siège Apostolique la promulgue, ces nouveaux apôtres n’ont aucune peine à faire sentir l’harmonie et l’autorité dans cet ensemble véritablement surhumain. S’il arrive qu’une nouvelle église vienne à être dédiée par l’évêque, la simple explication des symboles qui, dans cette auguste cérémonie, font tour à tour passer sous les yeux des fidèles les mystères de la Jérusalem céleste, ceux de l’Église militante et ceux de la vie spirituelle, prépare une moisson abondante, et lorsqu’après avoir accompli tous les rites si profonds de cette solennité, le Pontife demande au Dieu qui se bâtit un temple immortel avec des pierres vivantes, que cette extension matérielle que vient d’obtenir son Église, soit encore dépassée par ses accroissements spirituels, il ne tarde pas à connaître qu’il a été exaucé. (…) »
Dom Prosper Guéranger – Проспер Луи Паскаль Геранже (1805–1875), более известен как Дом Геранже. Почти 40 лет был аббатом бенедиктинского монастыря Солем и лидером французских бенедиктинцев с октября 1837 г. Геранже выступал за возрождение торжественности богослужения. Он считается одним из основоположников так называемого «литургического движения». В монастыре Солем Геранже возродил старинное латинское церковное пение. Был также известен во Франции как сторонник ликвидации неогалликанских литургических практик и выступал за восстановление единой римской богослужебной традиции.
Ультрамонтанство – идеологическое направление в Римско-католической церкви, предполагающее полное и безусловное подчинение национальных католических церквей папе римскому и, кроме того, отстаивающее верховную светскую власть римских пап над светскими правителями Европы. Часто под этим термином понималась принадлежность того или иного индивида к самым оголтелым и ультраклерикальным слоям общества.
Галликанство, или галликанизм – учение, распространившееся во Франции в Средние века и Новое время, отстаивавшее некоторую, но не безусловную, независимость французской католической церкви от Святого престола в Риме и поддерживавшее право короля или государства официально вмешиваться в дела французской католической церкви. Галликанство во многом носило компромиссный характер. Близко по духу к англиканству, однако имеет существенное отличие: галликанство не выступает за безусловный разрыв с папством, но имеет своей целью ограничить влияние Рима на дела национальной церкви. Большой толчок это учение получило в связи с процессами Реформации XVI в.
Les Pères – Отцы Церкви. Выдающиеся и признанные церковные деятели и писатели, авторитет которых имел решающее значение в оформлении догм и ритуалов, формировании структур иерархии и форм богослужения, составлении канонического списка Священных книг.
Hippone – Гиппон, античный город, входивший в состав Африканской провинции Римской республики, затем Империи. Находится на северо-востоке современного Алжира. Ныне там расположен город Аннаба. Святой Августин был епископом этого города с 395 г. по 435 гг., пока город не захватили вандалы.
… imitamini quod tractatis (Pontificale Rom., in ordinatione Presbyteri) – Цитата из главы «О рукоположении священников» из «Римского понтификала», литургической книги Римской католической церкви, содержащей описания обрядов, совершаемых епископами.
Ambroise – Святой Амвросий, епископ Медиоланский (339/340–397), один из Отцов Церкви, входит в список четырех великих наставников Католической церкви. Именно он обратил в христианскую веру Августина Аврелия. Другими великими наставниками Католической церкви почитаются Иероним Стридонский (345–420), Августин Блаженный и папа Григорий Великий (понтификат в 590–604 гг.).
Augustin – Святой Аврелий Августин Гиппонский (Иппонийский) (354– 430), или Августин Африканский, более известен как Аврелий Августин Блаженный (354–430 ), родился и умер в Северной Африке. Крупнейший христианский богослов, епископ Гиппонский (395–435), один из признанных Отцов Церкви.
Cyrille – Святой Кирилл, архиепископ Иерусалимский (ок. 313–386/387), богослов, стремился повысить статус Иерусалима в качестве основного центра христианской веры, Учитель Церкви.
Rhaban Maur – Рабан Мавр (780/781–856), монах-бенедиктинец, архиепископ Майнцский (847–856), немецкий богослов, поэт, ученый-энциклопедист, один из видных представителей «Каролингского возрождения», автор одной из первых средневековых энциклопедий «О природе вещей». Способствовал развитию немецкого языка и литературы. За заслуги в области языкознания в начале XIX в. был назван «предвозвестником Германии».