Неизвестный Чайковский. Последние годы — страница 67 из 89


К М. Чайковскому

20 мая 1892 года.

<…> В последнее время мне пришлось истратить (конечно, не на себя одного) такую массу денег, что все мечты начать что-нибудь копить с нынешнего года, чтобы оставить после себя Жоржу[141] – разрушились.


Klin, bei Moskau. 24 Mai/2 Juin 1892.

Hochverehrter Herr Zabel!

So eben habe ich Ihren werten Brief erhalten und betrachte als eine sehr angenehme Pflicht sogleich Ihnen meine Antwort zu schicken, aber leider da icb so furchterlich schlecht deutsch schreibe muss ich franzOsisch fortsetzen. Ich glaube kaum dass Sie in meinen Zeilen etwas interessantes, neues oder wichtiges fur Ihre biographische. Arbeit finden werden; verspreche Ihnen aber dass ich Ihnen uber Rubinstein alles, was ich weiss und fuhle, ganz aufrichtig sagen werde.

C’est en 1858 que j’entendis pour la premiere fois le nom d’Antoine Rubinstein. J’avais alors 18 ans, je venais d’entrer dans la classe superieure de l’Ecole Imp. de Droit et ne m’occupais de musique qu ‘en qualite de dilettante. Depuis plusieures annees je prenais tous les Dimanches une lecon de piano chez un pianiste tres distingue, M. Rodolphe Kundinger. Alors, n’ayant en fait de virtuoses entendu que ce dernier, – je croyais tres sincerement qu’il n’y en avait de plus grand. Un jour, Kundinger arriva a la lecon tres distrait, tres peu attentif aux gammes et exercices que je jouais devant lui et quand je demandai a cet excellent homme et artiste quelle en etait la raison, ii me repondit que la veille il avait entendu le pianiste Rubinstein nouvellement arrive de l’etranger, que cet homme de genie avait produit sur lui une impression tellement profonde qu’il n’en revenait pas et que tout, en fait de virtuosite sur le piano, lui paraissait maintenant tellement mesquin qu’il lui etait aussi insupportable de m’entendre jouer les gammes que de se mettre au piano soi-meme.

Je savais combien Kundinger etait d’un caractere noble et sincere, j’avais une tres haute opinion de son gout et de sa science – et cela fit que mon imagination fut montee ainsi que ma curiosite au plus haut degre. Dans le courant de cette demiere annee scolaire, j’eu l’occasion d’entendre Rubinstein et non seulement de I’entendre mais de le voir jouer et conduire l’orchestre. J’appuis sur cette premiere impression du sens de la vue par la raison que, selon ma profonde persuasion, le prestige de R. est base non seulement sur son talent incomparable, mais aussi sur un charme invincible qui se degage de toute sa personnalite, de sorte qu’il ne suffit pas de l’entendre pour la plenitude de Fimpression – il faut aussi le voir. Done, je l’entendis et je le vis. Comme tout le monde je tombai dans son charme. Cependant je terminal mes etudes, j’entrai au service et continuai a faire dans mes loisirs un peu de musique. Mais peu a peu ma vraie vocation se fit sentir. Je vous epargnerai les details par ce que cela n’a aucun rapport avec mon sujet, mais seulement je vous dirai que vers l’epoque de la fondation du Conservatoire de Petersbourg en septembre 1862 je n’etais plus un employe au Ministere de Justice, mais un jeune homme decide a se vouer a la musique et pret a subir toutes les difficultes que me presageaient mes proches, mecontents de ce que je brisais volontairement une carriere bien commencee. J’entrai au Conservatoire. Mes professeurs furent: M. Zaremba pour le contrepoint, la fugue etc., A. R. (directeur) pour les formes et rinstrumentation. Je suis reste trois ans et demi au Conservatoire. Pendant tout ce temps je voyais R. tous les jours et quelquefois plusieurs fois par jour, excepte les mois de canicules. Quand j’entrai au Conservatoire j’etais deja, comme je Vous l’ai dit plus haut, un adorateur enthousiaste de R. Mais quand je le connus de plus pres, quand je devins son eleve et nos rapports devinrent jouraaliers, – mon enthousiasme pour toute sa personne ne fit que s’accroitre. J’adorais en lui non seulement un grand pianiste, un grand compositeur, – mais aussi un homme d’une rare noblesse, franc, loyal, genereux, incapable de sentiments vulgaires et mesquins, d’un esprit clair et droit, d’une bonte infinie, – enfin un homme planant de tres haut sur le commun des mortels. Comme maitre, il a ete d’une valeur incomparable. II s’y mettait simplement, sans grandes phrases et longues discutations, – mais toujours envisageant son devoir comme tres serieux. II ne se facha contre moi qu’une seule fois. Je lui apportai, apres les vacances, une ouverture intitulee «L’Orage», dans laquelle j’avais fait des folies d’instrumentation et de forme. II en fut blesse et pretendit que ce n’est pas pour former des imbeciles qu’il se donnait la peine d’enseigner Г art de la composition. Je sortis du Conservatoire le coeur tout plein de reconnaissance et d’admiration sans bornes pour mon professeur. Comme je Vous l’ai deja dit, pendant trois ans et quelques mois je le voyais quotidiennement, mais quels etaient nos rapports? II etait un illustre et grand musicien – moi, un modeste eleve ne le voyant que dans l’exercice de ses fonctions et n’ay ant presque aucune idee de sa vie intime. Un abime nous separait. En quittant le Conservatoire, j’esperais qu’en travaillant avec courage et en frayant peu a peu mon petit chemin – je pouvais aspirer au bonheur de voir un jour cet abime comble. J’osais ambitionner l’honneur de devenir un ami de Rubinstein.

II n’en fut point. Presque 30 ans se sont ecoule depuis, mais l’abime est reste plus grand que jamais. Je devins par mon professorat a Moscou Г ami intime de Nicolas Rubinstein, j’avais le bonheur de voir de temps en temps Antoine, j’ai toujours continue a l’affectionner d’une maniere tres intense et de le considerer comme le plus grand des artistes et le plus noble des hommes, – mais je ne suis jamais devenu et ne deviendrai jamais son ami. Cette grande etoile fixe gravite toujours dans mon ciel – mais tout en apercevant sa lumiere, je la sens tres loin de moi.

И me serait difficile d’en expliquer la raison. Je crois cependant que mon amour propre de compositeur у est pour beaucoup. Dans ma jeunesse j’etais tres impatient de taire mon chemin, de me creer un nom, une reputation de compositeur de talent et j’esperais que R., qui deja alors avait une grande position dans le monde musical, m’aiderait dans ma course apres les lauriers. Mais j’ai la douleur de Vous confesser qu’ A. R. ne fit rien, mais rien du tout pour seconder mes plans et mes projets. Jamais, certainement, il ne m’a nui – il est trop noble et trop genereux pour mettre des batons dans les roues d’un contrere, mais jamais il ne se departit a mon egard de son ton de reserve et de bienveillante indifference. Cela m’a toujours profondement afflige. La supposition la plus vraisemblable pour expliquer cette tiedeur blessante, c’est que R. n’aime pas ma musique, que mon individualite musicale lui est antipathique. Maintenant de temps en temps je le vois, toujours avec plaisir, car cet homme extraordinaire n’a qu’a Vous tendre la main et vous adresser un sourire pour qu’on se mette a ses pieds; j’ai eu le bonheur a son jubile de passer par beaucoup de peines et de fatigues, il est pour moi toujours tres correct, tres poli, tres bienveillant, – mais nous vivons tres loin l’un de l’autre et je n’ai positivement rien a vous dire sur sa maniere de vivre, sur ses vues et ses projets, enfin rien qui fut digne de l’interet des lecteurs futurs de votre livre.

Je n’ai jamais recu de lettres de R. et je ne lui en ai ecrit que deux pour le remercier d’avoir mis sur son programme entre autres morceaux russes, quelques uns des miens, dans ces demieres annees.

Vous voyez, cher et tres respecte M. Zabel, que ma lettre n’a pour votre livre aucune signification. Mais, tout en comprenant que tout ce que je Vous ai ecrit n’a aucune valeur au point de vue biographique, j’ai tenu a remplir. Votre desir et ai dit sur R. tout ce que je pouvais dire. Si malheureusement j’ai dit trop peu, – ce n’est pas ma faute, ni celle d’Antoine, mais de la fatalite.

Um Gotteswillen argern Sie sich nicht dass ich so viel geschmiert habe. Ich muss Morgen abreisen und habe nicht mehr Zeit zum Abschreiben.

Ihr ergebenster P. T.*)

*) Клин. 24 мая 1892.


Глубокоуважаемый господин Цабель!

Получив ваше письмо, я считаю приятною обязанностью немедленно ответить вам, но, к сожалению, ужасно плохо владея немецким языком, должен продолжать по-французски. Я думаю, что вы в моих строках найдете мало интересного и важного для вашего биографического труда. Обещаю, однако, сказать вам откровенно все, что чувствую к Антону Рубинштейну и что знаю о нем.

В первый раз я услышал имя Антона Рубинштейна в 1858 году. Мне было тогда 18 лет, я только что перешел в высший класс Императорского Училища правоведения и занимался музыкой по-дилетантски. Несколько лет до этого я брал каждое воскресенье фортепианный урок у известного пианиста – Рудольфа Кюндингера. В то время, по части виртуозов не зная никого другого, я искренно верил, что лучшего нет на свете. Однажды Кюндингер явился на урок рассеянный и невнимательный к моим гаммам и экзерсисам, и когда я спросил этого милейшего человека и превосходного артиста о причине, он мне ответил, что накануне он слышал пианиста Рубинштейна, только что вернувшегося из-за границы, что этот гениальный человек произвел на него впечатление такое глубокое, что он не может прийти в себя и что все по части виртуозности на фортепиано ему кажется столь жалким, что ему так же невыносимо слушать мои гаммы, как и играть самому.

Я знал, насколько Кюндингер благороден и искренен, я имел высокое мнение о его вкусе и о его познаниях – и вследствие этого мое воображение и любопытство были возбуждены до высшей степени.

В течение этого последнего года пребывания в училище я имел случай слышать Рубинштейна, и не только слышать,