évrier/20 janvier 1840
Je suis de nouveau bien coupable envers vous, chers papa et maman. Depuis six semaines il ne s’est pas coulé un jour que je ne me sois sévèrement reproché de l’avoir laissé passer sans vous écrire. Votre dernière lettre que j’ai reçue il y a quelques jours est venue enfin rompre la glace. Je vous remercie des choses bonnes et affectueuses que vous dites dans cette lettre de ma femme. Elle mérite à tout égard l’opinion favorable que vous vous en êtes formée. On ne pourrait être meilleure qu’elle n’est, plus vraie, plus aimante et dévouée. Vous l’aimerez certainement dès que vous la connaîtrez.
Je vois avec peine par votre lettre que vous êtes beaucoup plus préoccupés de ma santé qu’il n’y a lieu de l’être. Depuis six semaines que j’ai commencé la cure d’eau j’éprouve une amélioration dans ma santé que je n’osais plus espérer. Il m’est démontré maintenant, par le bon effet de cette cure que le principe de mon mal était dans les nerfs affaiblis et surexcités. Toutes mes autres infirmités n’étaient que la conséquence de celle-ci. Or il est reconnu que l’eau froide et le grand air sont les seuls moyens de fortifier les n
Nous sommes maintenant en plein carnaval. Les bals se suivent sans interruption. Nous allons beaucoup dans le monde. J’y vais plutôt par nécessité que par goût. Car la distraction quelqu’elle soit est devenue une véritable nécessité pour moi… Dernièrement Sévérine a donné un des plus beaux bals de la saison. Je vous ai dit,
On sait aussi ici que le Comte de Nesselrode avait l’intention de venir l’été prochain en Allemagne, probablement aux eaux de Bohème. Je désire beaucoup que cela se fasse. Car toutes ces puissances sont plus accessibles et plus maniables en pays étranger que chez elles. Aussi dès que je le saurai à Carlsbad, j’irai le trouver*. Je ne sais pas encore au juste ce que je lui demanderai, mais je demanderai… Une place de secrétaire de légation ne pourrait me convenir. Je ne l’accepterai, en aucun cas. Reste à savoir, s’ils consentiront à me nommer conseiller d’ambassade ou, à défaut d’un poste semblable, à me donner une place un peu convenable au département…
Dernièrement j’ai eu la boucle de service pour quinze ans… C’est une assez triste indemnité pour quinze années de vie — et quelles années. Mais, puisqu’en fin j’étais destinéà y survivre, — acceptons la vie et la boucle telles qu’elles nous viennent. Si seulement on pouvait oublier…
Ce 3 février
Parlons maintenant de mes affaires. Il y a six mois que je me propose de vous en parler. Mais une invincible répugnance m’a empêché jusqu’à présent d’aborder ce sujet. Et si vous n’avez pas, cher papa, parlé le premier, peut-être aurais-je persévéréà me taire. J’ai appris avec peine la gêne du moment que les mauvaises récoltes de l’année dernière vous font éprouver et je serais désespéré de venir dans un pareil moment. Soyez bien persuadé que s’il ne s’agissait que de moi j’aurais dès à présent renoncé de bon cœur et à tout jamais à la pension que vous me faisiez autrefois. Ma femme, sans avoir une grande fortune, en a assez pour nous faire vivre tous les deux, et elle ne demanderait pas mieux que de la dépenser pour moi, jusqu’au dernier sou. Aussi depuis le mois de juillet dernier moi aussi, bien que les enfants, nous vivons entièrement à son frais, et de plus, aussitôt après notre mariage elle a payé pour moi vingt mille roubles de dettes. Encore une fois, elle a fait cela avec empressement, avec bonheur, et il n’a pas dépendu d’elle que je n’y attachasse aussi peu d’importance qu’elle y en a mis elle-même.
Mais à tort ou à raison, il m’est tout à fait impossible d’accepter un pareil arrangement comme définitif*. Je pourrais peut-être encore me résigner, pour ce qui me concerne personnellement, à vivre à ses dépens, mais vous comprenez que je ne pourrais consentir à lui imposer à tout jamais l’entretien de mes enfants. C’est déjà bien assez des soins de tout genre qu’elle voue à leur éducation, elle qui jusqu’à présent ne s’est jamais trouvée dans le cas de s’occuper de rien de pareil. Mais si outre les soins je devais encore mettre à sa charge la dépense matérielle de leur entretien et de leur éducation, ceci, je vous avoue, me gâterait tout à fait le bonheur que j’éprouve à avoir gardé ces enfants auprès de moi. Telles sont, cher papa, les raisons qui m’empêchent de renoncer à la pension de 6000 r
Cette lettre vous trouvera encore à Minsk, pour plus de sûreté. C’est à Nicolas que je l’adresse, en le priant de vous le faire parvenir. Nous avons eu tout récemment de ses nouvelles de Varsovie. Il a écrit à ma femme une lettre très bonne et très aimable, pour lui dire qu’il consentait àêtre le parrain de l’enfant qui va venir. Mais il se trouve qu’il a un concurrent dans la personne de Mr de Sévérine qui veut à toute force être aussi le parrain du dit enfant. Pour moi, je ne demande pas mieux pourvu qu’il soit entendu que Nicolas est le parrain № 1.
Bien des remerciements à ma chère Dorothée pour son souvenir. Elle me pardonnera de ne pas lui écrire séparément, ni aussi longuement que je le voudrais.
Je pense bien souvent à elle et lui fais vœux les plus sincères pour qu’elle soit heureuse. Comment va sa santé? Votre présence, chère maman, doit lui être d’une grande consolation. Restez-vous encore longtemps à Minsk? Dans sa lettre à ma femme il y a un souvenir que je lie pour moi à tout ce que j’ai de plus cher et de plus intime dans l’âme. C’est celui de ce pauvre enfant qu’elle a perdu — né le jour même de mon départ d’auprès de vous et mort sur les bras de celle qui n’a pas tardéà le suivre*. Il serait beau d’aller les rejoindre.
Adieu, chers papa et maman. J’attends impatiemment de vos nouvelles. Il y a dans votre dernière lettre un mot sur la santé de maman qui m’inquiète beaucoup. Que Dieu vous conserve et vous protège et qu’Il daigne nous accorder la grâce de nous revoir encore une fois. — A bientôt.
Mes amitiés à Mr Сушков.
Целую ваши ручки.
Ф. Тютчев
Мюнхен. 1 февраля/20 января 1840
Я опять очень виноват перед вами, любезнейшие папинька и маминька. За истекшие полтора месяца не проходило ни одного дня, чтобы я не укорял себя за то, что день прошел, а я опять не написал вам. Ваше последнее письмо, полученное мною несколько дней тому назад, послужило наконец для меня примером. Благодарю вас за добрые и сердечные слова, сказанные вами в этом письме о моей жене. Она во всех отношениях заслуживает благоприятного мнения, которое вы о ней составили. Нельзя быть лучше нее, более искренней, более любящей и преданной. Вы несомненно полюбите ее, как только узнаете.
С огорчением вижу из вашего письма, что вы гораздо более озабочены моим здоровьем, нежели есть к тому основание. С тех пор как полтора месяца тому назад я начал лечение водою, я ощущаю улучшение, на какое не смел уже и надеяться. Благотворное действие этого лечения доказало мне теперь, что причина моей болезни кроется в нервах, ослабленных и чрезмерно возбужденных. Все же остальные мои недуги были лишь следствием этого. А ведь известно, что холодная вода и свежий воздух являются единственным средством для укрепления нервов. Я не могу достаточно нарадовать