Том 6. Письма 1860-1873 — страница 54 из 126

Pétersbourg. Mardi. 15 août 1867

J’ai toujours l’oreille aux aguets, et toujours préoccupé de la même question à t’adresser: ma fille Anna, ne vois-tu rien venir?^* — Cependant, comme il est possible que tu sois encore sur pieds et lesefähig, c’est à toi que j’adresse ces quelques lignes.

Je voudrais bien pouvoir me flatter que ma rentrée précipitée à Pétersbourg n’a pas été inutile à vos intérêts, et qu’elle a réussi à conjurer la menace d’un second avertissement, suspendue sur la Москва. Mais je voudrais surtout vous faire sentir au vrai et au vif la position, telle qu’elle est, ce qui certes n’est pas facile, car elle est absurde d’outre en outre. Ainsi, p ex, l’excellent Похвиснев, ainsi que le gérant actuel du Ministère le Pe Лобанов, dans les pourparlers que j’ai eus avec eux à mon retour, se sont plaints à moi, non sans quelque tristesse, du souci que leur donnait la Москва par l’impétuosité de ses allures agressives qui leur paraissait de nature à mettre leur responsabilitéà découvert^*. C’est surtout un des derniers articles, au sujet de l’oukase supplémentaire sur la presse, qui les a particulièrement mis en émoi, comme on pouvait s’y attendre^*. Cette fois encore [44] du fond de la question qu’il s’agit, mais bien de la forme et rien que de la forme. Ils auraient volontiers admis toutes les critiques possibles à l’adresse de la mesure, pourvu qu’elles eussent été présentées d’une manière moins piquante, moins incisive — et avec un certain accent de déférence banale et officielle envers l’autorité qu’ils se crurent obligés de maintenir à tout prix, tout en gémissant de cette obligation. Mais livrée oblige^*, tout aussi bien que noblesse — et ils sont fermement persuadés que le salut du gouvt lui-même est fortement intéressé au maintien de cette étiquette-là… J’ai, comme de raison, saisi l’occasion, pour leur dire de bien rudes vérités sur le tort bien autrement grave que fait à la considération du gouvernement la manière inqualifiable dont l’administration de la presse est gérée, le manque absolu d’intelligence, comme d’honnêteté dans le maniement de l’arbitraire, cette complaisance servile ou intéressée pour les uns, et cette rigueur brutale pour les autres… Les exemples et les faits ne m’ont pas manquéà l’appui de mes assertions — Катков d’une part, de l’autre la Весть, le fameux article des Биржевые ведомости, etc. etc. etc. On ne m’a pas contredit, on est même convenu de l’absurdité du régime existant en matière de presse. Mais enfin, service oblige, et on ne sort pas de là… Il serait donc inutile de chercher à introduire un peu de raison dans un pareil régime, on ne peut marcher qu’à tâtons à travers toute cette sottise, ainsi, par ex, chaque fois qu’il s’agit d’un acte du gouvt, surtout récent, s’abstenir soigneusement du sarcasme — du sarcasme surtout qu’ils ne supportent pas, et leur démontrer qu’ils sont des imbéciles, en leur demandant respectueusement pardon de la liberté grande. — Une certaine forme avant tout, et peut-être bien qu’à ce prix on pourra sauver le fonds, ce qui est l’essentiel. — Mille tendresses à ton mari.

Перевод

Петербург. Вторник. 15 августа 1867

Я все время тревожно прислушиваюсь, бесконечно повторяя один и тот же обращенный к тебе вопрос: дочь моя Анна, не видишь ли ты приближения чего-либо?^* — Впрочем, поскольку ты, возможно, еще на ногах и lesefähig,[45] то эти строчки я адресую тебе.

Мне очень хотелось бы похвастаться тем, что мое поспешное возвращение в Петербург оказалось для вас небесполезным и что благодаря ему удалось отвратить угрозу второго предостережения, нависшую над «Москвой». Но еще больше мне хотелось бы дать вам верное и живое представление о создавшемся положении, что, конечно, совсем не легко, ибо оно до крайности глупо. Так, например, милейший Похвиснев, равно как и нынешний управляющий Министерством князь Лобанов, в моих с ними беседах по приезде, не без некоторой грусти жаловались мне на беспокойство, причиняемое им боевым задором «Москвы», который, по их мнению, таков, что им остается только умыть руки^*. Особенно встревожила их, как и можно было ожидать, одна из последних статей, посвященная дополнительному указу о печати^*. И на сей раз дело опять не в существе вопроса, а в форме, и только в форме. Они охотно допустили бы какую угодно критику в адрес принятой меры, лишь бы она была высказана в менее резком, в менее язвительном тоне — и с некоторым оттенком банальной и официальной почтительности по отношению к власти, которую они расположены поддерживать любою ценой, считая это своим долгом, хотя и тягостным. Но ливрея обязывает^*, так же как и мундир — и они твердо убеждены, что соблюдение этого этикета приносит правительству очень большую пользу… Я, разумеется, не упустил случая преподнести им весьма суровые истины касательно куда более серьезного вреда, наносимого авторитету правительства неслыханными методами управления печатью, полным отсутствием здравомыслия и честности в наложении взысканий, рабской или корыстной снисходительностью к одним и чудовищной строгостью к другим… Для подкрепления этих утверждений у меня не было недостатка в примерах и фактах: Катков с одной стороны, с другой — «Весть», пресловутая статья в «Биржевых ведомостях» и т. д. и т. д. и т. д. Мне не возражали, даже признали нелепость существующего в сфере печати порядка. Но в конечном итоге — служба обязывает, и от этого не отступятся… Так что бесполезно и пробовать внести в такой порядок хоть сколько-нибудь разумности, через всю эту глупость можно пробираться лишь ощупью, к примеру, всякий раз, как заходит речь о каком-нибудь правительственном акте, особенно новом, старательно воздерживаться от сарказма — в первую очередь от сарказма, ибо они его не выносят, и указывать им на их идиотизм, почтительно извиняясь за столь великую вольность. — Прежде всего соблюдение формы, и, может быть, такой ценой удастся спасти дело, что самое важное. — Тысяча сердечных приветов твоему мужу.

Бирилевой М. Ф., середина августа 1867^*

136. М. Ф. БИРИЛЕВОЙ Середина августа 1867 г. Петербург

C’est à toi que je passe maintenant, pour te remercier, ma chère Marie, de ta lettre qui m’a quelque peu rassuré et beaucoup intéressé. Quant à mes appréhensions que rien que la présence ne saurait conjurer — je te renvoie à ce que je viens d’écrire à maman, en te suppliant de ne jamais me rien cacher, sous prétexte de ménager mes nerfs qui ne valent plus la peine qu’on les ménage, et d’ailleurs rien ne pourrait mieux les calmer et les détendre que la certitude pleine et entière d’être exactement informé… Quant aux détails que tu me donnes dans ta lettre sur ce qui se passe sous tes yeux — ton témoignage a une telle valeur aux miens que je veux communiquer cette partie de ta lettre à Aksakoff, pour son information particulière^*.

Hélas, rien n’autorise à penser que les faits, que tu signales dans la localité de Briansk, soient d’une nature exceptionnelle^*. La dissolution est partout. On marche à l’abîme, non par emportement, mais par laisser-aller. — Dans la sphère du pouvoir inconscience et manque de conscience à un degré qu’on ne saurait concevoir, à moins de l’avoir vu. Au dire des hommes les plus compétents — grâce à l’absurde négociation du dernier emprunt, qui a honteusement échoué, la banqueroute est plus probable que jamais, et deviendra imminente ce jour où nous serions appelés à donner signe de vie. — Et néanmoins, en vue même de cet état de choses, l’arbitraire, continuant, comme par le passé, à se donner toute licence.

Hier, j’ai appris de Melnikoff un détail qui est vraiment stupéfiant. Dans le dernier voyage de l’Impératrice il y avait un intervalle de 350 verstes à lui faire parcourir entre les deux chemins de fer, à raison de deux cents chevaux à chaque station qu’il a fallu faire venir de plusieurs centaines de verstes, et les garder pendant des semaines dans un pays, dénué de tout, et où il faut tout apporter. — Eh bien, sais-tu, ce que, dans ces conditions-là, le parcours de ces 350 và coûter à l’état? rien que la bagatelle d’un demi-million de roubles. C’est fabuleux, et, certes, je ne l’aurais jamais un possible, si le chiffre ne m’avait été attesté par un homme comme Melnikoff qui le tient du Gouvr G<énér>al d’Odessa.

C’est le cas de dire avec Hamlet: «Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark»^*.

Maintenant, voilà ce qui se passe en fait de politique extérieure. Fuad-pacha est venu à Livadia, et en est reparti avec le cordon de St-Alexandre^*. Que s’est-il passé? la Turquie aurait-elle accepté nos propositions, signé notre mémorandum? rien de tout cela. J’ai lu la dépêche d’Ignatieff qui rend compte au Chancelier de ce qui s’est pass