Том 7. О развитии революционных идей в России — страница 24 из 97

évaster les pays civilisés et de périr au milieu de la destruction générale.

Ne fallait-il donc pas chercher par tous les moyens à rappeler le peuple russe à la conscience de sa funeste position, ne fût-ce qu'en forme d'essai, pour se convaincre de l'impossibilité? Et qui donc devait le faire si ce n'est ceux qui représentaient l'intelligence du pays, ces organes du peuple par lesquels il cherchait à comprendre sa propre position? Que leur nombre soit grand ou petit, cela ne change rien. Pierre 1er était seul, les Décem-bristes une poignée d'hommes. L'influence des individus n'est pas aussi minime qu'on est tenté de le croire, l'individu est une force vive, un ferment puissant dont l'action n'est même pas toujours paralysée par la mort. Que de fois ne voit-on pas un mot, dit à propos, faire pencher la balance des peuples, déterminer ou clore des révolutions?

Au lieu de cela, que faisaient les Slavophiles? Ils prêchaient la soumission, cette première vertu de l'église grecque, cette base du tzarisme moscovite. Ils prêchaient le dédain de l'Occident qui seul pouvait encore éclairer l'abîme de la vie russe; ils prônaient enfin le passé, dont il fallait se défaire, au contraire, pour un avenir désormais commun à l'Orient et à l'Occident.

Il est évident qu'il fallait s'opposer à une pareille direction des esprits, la polémique se développa en effet de plus en plus. Elle dura jusqu'à l'année 848 et atteignit son point culminant vers la fin de 1847, comme si l'on pressentait que, dans quelques mois, on ne pourrait discuter sur rien, en Russie, et que cette lutte devait pâlir devant la gravité des événements.

Deux articles surtout exprimèrent les deux opinions contradictoires. L'un, sous le titre de «Développement juridique de la Russie», fut publié dans le Contemporain, à Pétersbourg. L'autre fut une longue réponse d'un Slavophile insérée dans le Moscovite. Le premier article était un exposé clair et énergique basé sur une étude approfondie du droit russe; il développait la pensée que le droit personnel en Russie n'avait jamais atteint une détermination juridique, que l'individu avait été toujours absorbé par la famille, par la commune, et plus tard, par l'Etat et par l'église. La position indéfinie de la personne menait, suivant l'auteur, au même vague dans les autres sphères de la vie politique. L'Etat profitait de ce manque de détermination pour empiéter sur les libertés, de sorte que l'histoire russe fut l'histoire du développement de l'autocratie et de l'autorité, comme l'histoire de l'Occident est l'histoire du développement de la liberté et des droits.

Le danger du slavisme devient évident dans la réplique du Moscovite qui a puisé ses arguments dans les chroniques slaves, le catéchisme grec et le formalisme hégélien. L'auteur slavophile croit que le principe personnel était bien développé dans l'ancienne Russie, mais que la personne, éclairée par l'église grecque, possédait le don sublime de la résignation et transportait volontairement sa liberté sur la personne du prince. Le prince exprime la compassion, la bienveillance et l'individualité libre. Chacun abdiquait son autonomie personnelle et la sauvait en même temps dans le représentant du principe individuel, le souverain.

Ce don d'abnégation et le don encore plus grand de ne pas en abuser formaient, selon l'auteur, un accord harmonieux entre le prince, la commune et l'individu; accord admirable qui ne trouve d'autre explication chez l'auteur que la présence extraordinaire du St. Esprit dans l'église byzantine.

Si les Slavophiles veulent représenter une opinion sérieuse, un côté réel de la conscience publique, une force enfin qui tend à se réaliser dans la vie russe, s'ils veulent quelque chose de plus que des disputes archéologiques et des controverses théologiques, nous avons le droit d'exiger d'eux l'abandon de cet abus immoral de mots, de cette dialectique dépravée. Nous disons «abus immoral» parce qu'il se commet avec une parfaite connaissance de cause.

Que signifient ces solutions métaphoriques qui ne représentent que l'inverse de la question même? Pourquoi ces images, ces symboles, au lieu des choses? Est-ce que les Slavophiles ont étudié les annales du Bas-Empire pour s'inoculer cette lèpre byzantine? Nous ne sommes pas des Grecs du temps des Paléologue pour disputer de l'opus operans et le l'opus operatum, dans un temps où un avenir inconnu et immense frappe à notre porte.

Leur méthode philosophique n'est pas nouvelle, le côté droit des hégéliens parlait de la même manière, il y a une quinzaine d'années; il n'y a pas d'absurdité qu'on ne puisse faire entrer dans le moule d'une dialectique vide, en lui donnant un aspect profondément métaphysique. Il faut seulement ne pas savoir ou oublier que le contenu et la méthode ont un autre rapport que le plomb et le moule aux balles, et que le dualisme seul ne comprend pas la solidarité qui les lie. L'auteur en parlant du prince n'a fait que paraphraser la définition très connue que Hegel donne de l'esclavage, dans la Phénoménologie (Herr und Knecht). Mais il a oublié avec préméditation comment Hegel sort de ce degré inférieur de la conscience humaine. Il est à remarquer que ce jargon philosophique qui appartient par la forme à la science et par le contenu à la scolastique, se retrouve chez les jésuites. M. Montalembert, en répondant à une interpellation sur les cruautés commises par le gouvernement papal dans les prisons de Rome, a dit: «Vous parlez des cruautés du pape, mais il ne peut pas être cruel, sa position le lui défend, lui, le vicaire de Jésus Christ ne peut que pardonner, qu'être miséricordieux, et effectivement les papes pardonnent toujours. Le St. Père peut être attristé, il peut prier pour le coupable, mais il ne peut être implacable, etc.». – A la demande si l'on applique la torture à Rome, l'on répond que le pape est clément; au raisonnement que nous sommes tous esclaves, que le droit personnel n'est pas développé en Russie, l'on répond: «Nous l'avons sauvé en le plaçant sur la tête du prince». Dérision qui provoque le mépris de la parole humaine! S'appuyer sur la religion n'est guère convenable, mais s'appuyer sur une religion obligatoire l'est encore moins. Chaque auteur a le droit incontestable de croire ce que bon lui semble-mais avoir recours aux preuves théologiques dans une discussion scientifique avec un homme qui tait sa religion, c'est manquer de convenances. Pourquoi s'abriter derrière un fort inexpugnable, contre lequel la moindre attaque mène au cachot?

D'ailleurs, il est impossible de comprendre comment les Slavophiles, si leur religion leur est vraiment chère, n'ont pas de dégoût pour la méthode hypocrite de la Philosophie de la religion, cette réhabilitation faible et sans foi, ce plaidoyer froid et pâle, où la science orgueilleuse, après avoir mis au tombeau sa sœur, lui jette un sourire de condoléance? Comment ont-ils le courage de traîner ce qu'ils ont de plus sacré, dans des disputes, où l'on ne l'estime pas et où l'on ne le tolère que par respect pour la police!

Ce n'est pas tout; l'auteur de l'article s'en prend à ses adversaires d'une manière étrange pour leur manque de patriotisme, pour leur peu d'amour de la nation; comme c'est un trait général parmi les Slavophiles, il faut en dire quelques mots. Ils prétendent au monopole du patriotisme, ils se croient plus russes que quiconque; ils nous reprochent continuellement notre indignation contre l'état actuel de la Russie, notre peu d'affection pour le peuple, nos paroles amères et pleines de colère, notre franchise qui consiste à faire voir le côté sombre de la vie russe.

Il semblerait pourtant qu'un parti qui s'expose à la potence, aux mines, à la confiscation des biens, à l'émigration, ne manquait ni de patriotisme ni de conviction. Le 14 décembre n'a pas été, que nous sachions, l'œuvre des Slavophiles, toutes les persécutions ont été réservées à nous, le sort a jusqu'ici épargné les Slavophiles.

Eh bien, oui, il y a de la haine dans notre amour, nous sommes indignés, nous reprochons au peuple autant qu'au gouvernement l'état où nous nous trouvons; nous ne craignons pas de dire les vérités les plus dures, mais nous les disons parce que nous aimons. Nous ne fuyons pas du présent dans le passé, car nous savons que la dernière page de l'histoire est l'état actuel Nous ne fermons pas les oreilles aux cris de douleur du peuple, et nous avons le courage de constater, le cœur navré, combien l'esclavage le déprave; cacher ces tristes résultats, ce n'est pas de l'amour, c'est de la vanité. Nous avons sous les yeux le servage et l'on nous accuse de calomnie, et l'on ne veut pas que le triste tableau du paysan pillé par la noblesse et le gouvernement, vendu presque au poids, dégradé par les verges, mis hors la loi, nous poursuive nuit et jour comme un remords, comme une accusation? Les Slavophiles aiment mieux lire les légendes du temps de Vladimir, ils veulent qu'on leur représente Lazare couvert non de plaies, mais d'étoffes de soie. Il faut élever pour eux comme pour Catherine des villages en carton et des jardins de coulisse le long des routes, de Pétersbourg jusqu'à la Crimée.

Le grand acte d'accusation que la littérature russe dresse contre la vie russe, cette négation complète et ardente de nos propres fautes, cette confession qui a horreur de notre passé, cette ironie amère qui fait rougir du présent, c'est notre espérance, c'est notre salut, l'élément progressif de la nature russe.

Et quelle est la signification des écrits de Gogol que les Slaves admirent avec tant d'exagération? Quelque autre a-t-il placé plus haut que lui le pilori auquel il a attaché la vie russe?

L'auteur de l'article du Moscovite dit que Gogol «descendit comme un mineur dans ce monde sourd sans tonnerre ni secousses, immobile et égal, marais sans fond, qui entraîne doucement, mais sans retour, tout ce qu'il y a de frais (c'est un Slavophile qui parle); il descendit comme un mineur qui a trouv